Le directeur de la rédaction m'a chargé de réaliser une étude sociologique au sujet des séries télévisées destinées aux pré-ados. Au début, je n'ai pas compris de quoi il parlait, puis après une longue explication, j'ai pris peur...
J'ai attrapé mon “télé 7 jours” à deux mains et j'ai cherché des séries emblématiques. Après avoir visionné plus de 4000 épisodes (toutes séries confondues), j'ai recopié mes notes au propre, puis j'ai recoupé mes informations, et après mûre réflexion, j'ai finalement dégagé deux tendances télévisuelles carrément opposées.
D'un côté, j'ai retenu “Dawson” (“Dawson's Creek” pour les puristes), série américaine caractéristique qui traite de la vie trépidante d'une bande de jeunes étudiants dans un bled paumé au fin fond des States. De l'autre, j'ai choisi d'étudier “Un, dos, tres”, série espagnole typique (c'est la seule que je connaisse, mais elle surpasse de loin nos merdes nationales). C'est un genre de “Fame” latino (ou de “Studio Sud” avec de vrais moyens), qui traite donc d'une bande de jeunes qui fréquentent une école pour devenir des stars. Les Etats-Unis face à l'Europe, les anglo-saxons face aux latins... Duel fratricide ou complémentarité ?
Comme toutes les séries adressées aux pré-ados, “Dawson” et “Un, dos, tres” sont peu réalistes. Dans “Dawson”, l'action se passe dans une petite ville paradisiaque nommée Capside, où les gens sont canons et le temps magnifique (jusque là rien de bien grave). L'acteur principal, James Van Der Beek, qui a autant de charisme qu'un volet roulant, manque de crédiblilité dans son rôle de lycéen étant donné qu'il doit avoir dans les 30 ans, soit à peu près autant que l'acteur qui joue son père, cherchez l'erreur...
Mais le plus grave, c'est que ces prétendus ados ne sont pas du tout représentatifs de la jeunesse actuelle. Ils parlent énormément – ce qui est insupportable – et comme des vieux. Un peu comme des profs de français proches de la retraite. Ils emploient des métaphores impossibles et tournent autour du pot pendant des plombes pour dire des banalités. Véritable exercice de style pour les scénaristes, c'est un calvaire pour le téléspectateur qui ne comprend pas toujours ce qui se dit et qui regrette parfois la simplicité des dialogues de “Sous le Soleil”. Je veux bien admettre que ce sont des gosses de bourges et qu'ils vivent dans une petite ville perdue, mais quand même...
Dans “Un, dos, tres”, le cadre au départ est improbable : une école pour devenir star. J'admets qu'un cours d'art dramatique ou de danse contemporaine soit plus télégénique qu'un cours de biochimie (quoique parfois, durant certains TP...), mais il y a des limites : les jeunes vivent dans l'école, les locaux sont superbes, les profs sont des potes, l'ambiance est géniale... à mon avis, les auteurs-scénaristes n'ont jamais vu un établissement scolaire de leur vie (ce qui expliquerait par la même la pauvreté des dialogues).
Mais le plus gênant, ce sont les chorégraphies-surprises à tout bout de champ. Parfois, sans raison, quand l'épisode manque de rythme, quelqu'un lance la musique et tout le monde se met à bouger frénétiquement son corps. C'est plaisant sur le coup, mais on s'aperçoit vite que c'est un mauvais subterfuge pour pallier la flemmardise des scénaristes.
Comme toutes les séries adressées aux pré-ados, “Dawson” et “Un, dos, tres” ont pour toile de fond les rapports amoureux entre des jeunes gens canons. Et là, il est intéressant de voir que la sexualité est envisagée sous des angles complètement différents des deux côtés de l'Atlantique.
Prenons “Dawson” pour commencer : les protagonistes sont jeunes, beaux, riches et chauds parfois. Ils parlent de sexe à longueur de journée, et il ne se passe jamais rien ! Pourtant la série aborde des sujets assez propices aux ébats amoureux comme la contraception, les premiers rapports, l'homosexualité, la navigation, etc... et rien du tout. Que de la gueule ! L'Amérique puritaine dans toute sa splendeur. En tant que téléspectateur, c'est très frustrant. Prenons le personnage de Dawson, après 4 saisons, il a toujours sa tête de puceau attardé qui rougit à la moindre allusion salace. Faut pas déconner !
Passons à présent à “Un, dos, tres”, alors là, le tableau est différent. C'est la débauche permanente. Les scénaristes espagnols n'ont peur de rien. Le sexe est omniprésent, ils n'en parlent pas tellement en fait, mais ils pratiquent beaucoup. Les élèves couchent entre eux, les profs couchent entre eux, les profs couchent avec les élèves. Pour vous donner une idée : Roberto sort avec Carmen qui le trompe avec Juan qui a un fils caché et qui entretient une liaison secrète avec son étudiante Lola (notez le côté exotique des prénoms qui ajoute encore au côté torride). Cette ronde ne choque personne apparemment et le téléspectateur est ravi les premiers temps. Mais rapidement, il sature. Au bout de six épisodes, tout le monde s'est fait tout le monde, les liaisons impromptues perdent de leur crédibilité et de leur spontanéité. Cette “star académy” fictive est un véritable baisodrome. Trop c'est trop.
Pour conclure, je prône donc l'équilibre en conseillant aux adeptes de ce genre de séries de zapper de l'une à l'autre. Un coup on regarde les intellos bavards et coincés sur TF1 puis on passe un moment avec les chauds lapins du Sud sur M6. C'est aussi ça, la diversité culturelle.